Le 29 Novembre 2010, 21h38

A l'intérieur d'une vieille cabane en bois mouillé, une vieille dame observe le paysage à travers une fenêtre sans pouvoir en profiter dans son intégralité. Elle maudit l'encadrement de la fenêtre qui l'empêche de voir le paysage à l'infini, et elle rage intérieurement d'être séparée de la beauté de l'extérieur par cette vitre de verre. Elle frissonne tandis qu'une petite fille tout de blanc vêtue passé devant sa fenêtre. Seul le bruit étouffé par la fenêtre du rire cristallin de la gamine atteint les oreilles de l'aïeule. Et alors que la silhouette chétive de la petite réapparaît dans son champ de vision, la dame se lève de son siège de bois avec un léger gémissement. La jeune fille, dehors, est allongée dans l'herbe verte qui borde la lisière de la forêt, elle semble paisible dans son immobilité.
Dans un excès de colère, la dame pousse son siège sur le côté, le renversant sur le sol poussiéreux. Elle rage contre la jeunesse, elle rage contre cette petite fille qui, non contente de la vie qui grandit en elle, se contente de rester chue sur le sol, elle rage contre la fenêtre qui n'est qu'un exemple de plus de son enfermement. Tandis que les perles salées coulent le long de joues ridées de la dame, elle prend son élan en fermant les yeux, sans se rendre compte qu'elle est pied nue. Avec la foi fulgurante envers la vie et une joie extrême, elle plonge droit dans la fenêtre qui n'a jamais semblée si dure et infranchissable que cela. La petite fille n'a toujours pas bougé dans son matelas végétal, et le plongeon dans la liberté de la vieille dame semble durer éternité, elle atteint finalement la fenêtre, et le verre qui la séparait du reste du monde semble alors n'avoir jamais existé. Non pas parce qu'il se brise en mille morceau mais parce qu'il s'évapore au contact de sa peau. Dans un final exaltant et un ultime soubresaut, la dame se retrouve les deux pieds nus dans les fougères, debout avec la grâce d'une fleur plantée dans le sol mouillé.
Laissant les odeurs envahir ses narines, laissant ses cheveux planer dans le vent, laissant les sensations de la vie s'écouler en elle. La dame ne bouge que de longues minutes plus tard. Elle s'avance vers la jeune fille inerte, et sans colère aucune, s'allonge à ses côtés. C'est ainsi qu'elle comprend, que la liberté et que la vie ne résident pas dans le mouvement ni dans la découverte, mais juste dans l'acceptation et l'admiration.
Elles restent ainsi allongées toutes deux, observant l'azur du ciel et la cime des arbres centenaires, sentant l'odeur de l'écorce et des fougères, le picotement de l'herbe sur leur peau et le bonheur de vivre en totale immersion dans cette nature, jusqu'à ce que les saisons passent et que la neige tombe, ne profitant que du spectacle du cycle, sans jamais s'en lasser. Toutes deux restent, immortelles, car elles ont compris la vie.
 
Rémy